Réflexions relatives au sexe, au genre et à la race dans le Guide de pratique clinique canadien sur les TCC

Résumé

Le sexe et le genre

Il est reconnu qu'il est nécessaire d'inclure des données spécifiques au sexe et au genre dans les recommandations des lignes directrices de pratique clinique afin de faciliter des soins adaptés au genre, mais cela n'a pas été une pratique courante. Une meilleure compréhension et une plus grande sensibilisation à l'influence du sexe et du genre sur les traumatismes craniocérébraux, les traitements et la récupération ont facilité une plus grande inclusion dans les études de recherche, mais malheureusement, la plupart des recherches ne comblent pas encore pleinement cette lacune.

Les différences entre les sexes sont complexes et se retrouvent à de nombreux niveaux du système nerveux : l'épaisseur du crâne, le cerveau, les espaces cérébrospinaux, les parties fonctionnelles du cerveau, les voies neuronales sensorielles, les voies neuronales motrices, les réflexes et le système nerveux autonome (Mollayeva et coll., 2022).

Les considérations de genre liées aux normes et aux rôles au sein de l'environnement socioculturel d'un individu peuvent modifier les déficiences induites par le TCC. En outre, un TCC de même gravité affectera certains groupes plus que d'autres en raison des interactions entre le genre, le sexe et d'autres inégalités sociales qui conduisent à de nombreux résultats défavorables (Mollayeva et coll., 2022).

Dans le cadre du processus d'élaboration des lignes directrices, le Guide de pratique clinique canadien sur les TCC intégreront les données probantes de plus en plus nombreuses liées au sexe et au genre. Il convient de noter que l'influence du sexe et du genre doit être prise en compte pour chaque recommandation, mais que pour certaines d'entre elles, il est clair qu'une orientation spécifique concernant le sexe ou le genre est appropriée et nécessaire. Le cas échéant, nous utiliserons des icônes pour indiquer les recommandations qui concernent spécifiquement le sexe ou le genre de la personne ayant subi un TCC. En signalant clairement ces recommandations, nous mettrons également en évidence les sujets pour lesquels il n'existe pas de recherche actuelle permettant de les différencier, et cette information pourra être utilisée pour plaider en faveur de la nécessité de disposer de davantage de preuves spécifiques au sexe et au genre.

Les termes « sexe » et « genre » ont été définis par plusieurs sources reconnues, notamment les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), les National Institutes of Health et l'Organisation mondiale de la santé. Les définitions du sexe et du genre fournies par les IRSC seront utilisées :

Sexe : un ensemble de caractéristiques biologiques chez les humains et les animaux. Il est principalement associé à des caractéristiques physiques et physiologiques, notamment les chromosomes, l'expression des gènes, les niveaux et la fonction des hormones, et l'anatomie reproductive/sexuelle.

Genre : les rôles, comportements, expressions et identités socialement construits des filles, des femmes, des garçons, des hommes et des personnes de genre différent, y compris la façon dont les gens se perçoivent et perçoivent les autres, la façon dont ils agissent et interagissent, et la répartition du pouvoir et des ressources dans la société.

L'élaboration de recommandations tenant compte du sexe et du genre se heurte encore à plusieurs difficultés :

  1. La confusion des termes « sexe » et « genre ». Les études font souvent état de caractéristiques de base (homme/femme ou masculin/féminin) sans préciser si elles se réfèrent spécifiquement au sexe ou au genre.
  2. Souvent, les publications ne stratifient pas les résultats en fonction du sexe.
  3. Souvent, le genre n'est pas inclus en tant que variable de l'étude ou n'est pas évalué de manière appropriée à l'aide d'un instrument standardisé.
  4. Les instruments actuels d'élaboration des lignes directrices, notamment AGREE (Appraisal of Guidelines, Research and Evaluation) II et GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation), ne fournissent pas d'indications sur la synthèse des preuves relatives au sexe et au genre.

L'approche du Guide de pratique clinique canadien sur les TCC adoptera un cadre structuré pour guider la génération de recommandations spécifiques au sexe et au genre. Ce cadre a été adapté de Tannenbaum et coll. (2019).

Les approches adaptées à partir de ce cadre sont présentées ci-dessous :

  1. Inclure une personne au sein du groupe d'experts du Guide de pratique clinique qui agira comme « le champion de l'évaluation formelle de la littérature pour les associations entre le sexe et les résultats pertinents » (Tannenbaum et coll., 2019).
  2. Déterminer si les différences de sexe et de genre s'appliquent au domaine mis à jour (par exemple, fatigue et troubles du sommeil, prise en charge médicale et infirmière, fonction et contrôle moteurs).
  3. Inclure dans le groupe de travail une personne experte en différences de sexe et de genre et dans le domaine spécifique mis à jour.
  4. Élaborer une stratégie de recherche spécifique pour identifier les données probantes liées au sexe et au genre.
    1. Song et coll. (2016) ont publié une stratégie de recherche validée pour identifier la littérature qui rapporte des données probantes sur le diagnostic et le traitement spécifiques au sexe et au genre. Cette stratégie de recherche guidera les futures revues de littérature dans un domaine spécifique.Évaluer les données probantes. Les groupes de travail vont:
  5. Déterminer si les résultats spécifiques au sexe et au genre sont rapportés et si les résultats de l'étude justifient des recommandations spécifiques au sexe et au genre.
    1. Déterminer si la qualité des données permet de formuler des recommandations spécifiques au sexe et au genre.
      1. Dans l'affirmative, formuler des recommandations spécifiques au sexe ou au genre.
      2. Si ce n'est pas le cas, accompagner les recommandations d'un texte indiquant que « les meilleures données disponibles n'indiquent pas de différences pertinentes en fonction du sexe ou du genre » (Tannenbaum et coll., 2019).
      3. Fournir clairement l'état des données probantes afin de mettre en évidence les domaines dans lesquels des données probantes supplémentaires spécifiques au sexe et au genre sont nécessaires et d'orienter les recherches futures.
  6. Élaborer des outils de mise en œuvre pertinents qui aident les cliniciens à appliquer les recommandations spécifiques au sexe et au genre dans la pratique.

Race et appartenance ethnique

Des études épidémiologiques ont montré que les minorités raciales et ethniques ont une incidence plus élevée de TCC que les Caucasiens (Bazarian et coll., 2003 ; Jager et coll., 2000). Entre autres disparités, les minorités raciales et ethniques sont plus susceptibles de connaître des temps d'attente plus longs à l'urgence, un plus grand nombre de complications lors de l'hospitalisation, des services de réadaptation de moindre qualité, une probabilité plus élevée de sortie précoce, des niveaux plus faibles d'intégration dans la communauté, des taux d'emploi plus bas, des incapacités plus importantes, des niveaux plus élevés de fardeau pour les soignants et des difficultés à faire face au TCC, un niveau plus faible de satisfaction face à la vie et une moins bonne qualité de vie (Saadi et coll., 2022). Les facteurs contributifs potentiels comprennent les expériences défavorables vécues pendant l'enfance, le manque d'interventions et de services adaptés aux diverses populations de patients, les facteurs sociétaux, le racisme institutionnel et les facteurs politiques influençant les possibilités d'emploi et les ressources communautaires (Saadi et coll., 2022).

Dans le cadre des soins de santé, la compétence culturelle est définie comme suit : « la capacité des fournisseurs et des établissements à comprendre et à intégrer ces facteurs dans la prestation et la structure du système de soins de santé. L'objectif des services de santé culturellement compétents est de fournir des soins de la plus haute qualité à chaque patient, indépendamment de sa race, de son appartenance ethnique, de son origine culturelle, de sa maîtrise de l'anglais ou de son niveau d'alphabétisation ». (https://hpi.georgetown.edu/cultural/)
Parmi les stratégies courantes visant à améliorer l'interaction entre le patient et le fournisseur de soins et à institutionnaliser les changements dans le système de soins de santé, on peut mentionner les suivantes :

  1. Fournir des services d'interprètes
  2. Recruter du personnel issu des minorités et les fidéliser
  3. Fournir de la formation afin d'améliorer la sensibilisation, les connaissances et les aptitudes en matière de différences culturelles
  4. Se coordonner avec les guérisseurs traditionnels
  5. Utiliser des travailleurs ou travailleuses en services communautaires et sociaux
  6. Intégrer des valeurs et des attitudes spécifiques à la culture dans les outils de promotion de la santé
  7. Inclure les membres des familles et de la communauté dans les décisions portant sur les soins de santé
  8. Situer les cliniques dans des zones géographiques facilement accessibles pour certaines populations
  9. Élargir les heures d'ouverture
  10. Fournir des compétences linguistiques qui vont au-delà de la rencontre clinique et s'étendent à la prise de rendez-vous, aux lignes téléphoniques de renseignements, à la facturation médicale et à d'autres documents écrits.

(Élaboré par: https://hpi.georgetown.edu/cultural/)

L'approche du Guide de pratique clinique canadien sur le TCC adoptera les stratégies suivantes pour promouvoir la dispensation de soins culturellement compétents et éclairés :

  1. Fournir une définition claire des termes « race », « racisme systémique » et « ethnicité ». Les définitions des termes race, racisme systémique et ethnicité fournis par l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS) seront utilisées :
    1. Race : une construction sociale utilisée pour juger et catégoriser les personnes sur la base de différences perçues dans l'apparence physique, de manière à créer et à maintenir des différences de pouvoir au sein des hiérarchies sociales. Les groupes raciaux distincts ne reposent sur aucune base biologique scientifiquement étayée.
    2. Racisme systémique : le racisme qui se manifeste au niveau de la société et de l'organisation et qui donne lieu à d'autres formes de racisme. Il est souvent omniprésent et subtil, et n'est pas toujours intentionnel. Il est ancré dans les politiques sociétales et institutionnelles, les réglementations, la législation et les idéologies qui perpétuent les désavantages raciaux.
    3. Ethnicité : un concept multidimensionnel faisant référence à l'appartenance à une communauté et à un groupe culturel commun. Il est lié à des caractéristiques sociodémographiques, notamment la langue, la religion, l'origine géographique, la nationalité, les traditions culturelles, l'ascendance et l'histoire migratoire, entre autres.
  2. Utiliser la théorie critique de la race comme cadre pendant le processus de mise à jour du Guide de pratique clinique (Flanagin et coll., 2021). La théorie critique de la race nous aide à comprendre les effets du racisme sur les différences de résultats chez les groupes raciaux marginalisés. Deux principes de la théorie critique de la race sont pertinents lors des discussions sur les lignes de pratique clinique :
    1. Principe 1 : Critiquer la notion de race comme facteur biologique ou comme plausibilité biologique pour les conclusions de la recherche. La race ne sera pas considérée comme un facteur de risque de pathologie car elle est sociopolitiquement construite et assignée.
    2. Principe 2 : Examiner l'essentialisme racial pour mieux comprendre l'intersectionnalité. Les lignes directrices de pratique clinique ne devraient pas « essentialiser la race en tant que variable clé » pouvant expliquer toutes les disparités en matière de santé, car cela peut perpétuer le racisme structurel au sein de la médecine (Gilliam et coll., 2022). Nous concentrerons nos efforts sur l'identification et l'élimination des obstacles qui ont contribué à la marginalisation des individus (par exemple, le racisme structurel, la pauvreté et l'accès aux soins). Par exemple, lorsqu'une disparité particulière est signalée au sein d'un certain groupe racial, le groupe d'experts explorera les obstacles que les individus de ce groupe racial peuvent rencontrer lorsqu'ils cherchent à se faire soigner, y compris la manière dont le racisme systémique affecte la santé et la pauvreté d'un individu.
  3. Décrire les recherches en cours et les lacunes de la pratique clinique liées à la race et à l'ethnicité, en discuter et formuler des recommandations en vue d'un changement de pratique. Des exemples de l'utilisation appropriée de la race dans les orientations futures sont fournis par Gilliam et coll. (2022).

Pour consulter les recommandations fondées sur des données probantes, cliquez ICI

Glossaire de termes connexes

Les termes apparaissant ci-dessous se rapportent aux concepts mentionnés et peuvent être utilisés dans le Guide de pratique lorsqu'approprié :

Biais implicite: les pensées, attitudes ou réactions inconscientes qui déclenchent un comportement discriminatoire non intentionnel.

Colonialisme: la colonisation n'est pas seulement un processus de prise de contrôle politique des terres indigènes, mais aussi un système conçu pour maintenir le pouvoir et l'influence (par exemple, l'imposition d'institutions coloniales d'éducation, de soins de santé et de droit).

Compétence culturelle: la capacité des fournisseurs et des établissements à comprendre ces facteurs et à les intégrer dans la structure du système de soins de santé et la dispensation des soins. L'objectif des services de santé culturellement compétents est de fournir des soins de la plus haute qualité à chaque patient, indépendamment de sa race, de son appartenance ethnique, de son origine culturelle, de sa maîtrise de l'anglais ou de son niveau d'alphabétisation.

Construction sociale: une idée qui a été créée et acceptée par les membres d'une société et qui n'est pas une propriété intrinsèque d'une personne ou d'une entité.

Culture: les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances manifestes et subtiles qui influencent nos décisions et nos actions.

Équité en santé: l'absence de différences injustes et évitables en matière d'accès aux soins de santé, de qualité, d'expérience ou de résultats.

Ethnicité: un concept multidimensionnel faisant référence à l'appartenance à une communauté et à un groupe culturel commun. Il est lié à des caractéristiques sociodémographiques, notamment la langue, la religion, l'origine géographique, la nationalité, les traditions culturelles, l'ascendance et l'histoire migratoire, entre autres.

Genre: les rôles, comportements, expressions et identités socialement construits des filles, des femmes, des garçons, des hommes et des personnes de genre différent, y compris la façon dont les gens se perçoivent et perçoivent les autres, la façon dont ils agissent et interagissent, et la répartition du pouvoir et des ressources dans la société.

Groupe racisé: une construction sociale décrivant des groupes auxquels sont associées des significations raciales qui affectent leur vie économique, politique et sociale. Ce terme est parfois préféré à celui de « race » parce qu'il reconnaît le processus de racisation.

Inégalités en santé: les différences de santé entre les individus, les groupes ou les communautés. La mesure des inégalités en santé est un premier pas vers l'identification des inégalités en santé et leur réduction.

Race: construction sociale utilisée pour juger et catégoriser les gens sur la base de différences perçues dans l'apparence physique, de manière à créer et à maintenir des différences de pouvoir au sein des hiérarchies sociales. Il n'y a pas de base biologique scientifiquement étayée pour les groupes raciaux distincts.

Racisme: comprend les pensées ou les actions qui établissent ou renforcent la supériorité ou la domination d'un groupe racisé sur un autre. Le racisme existe sur un spectre et agit à de multiples niveaux - intériorisé, interpersonnel et systémique.

Racisme intériorisé: l'acceptation par un groupe racisé et marginalisé de messages négatifs concernant ses capacités et sa valeur.

Racisme systémique: racisme qui se manifeste au niveau de la société et de l'organisation et qui donne lieu aux autres formes de racisme. Il est souvent omniprésent et subtil, et n'est pas toujours intentionnel. Il est ancré dans les politiques sociétales et institutionnelles, les réglementations, la législation et les idéologies qui perpétuent les désavantages raciaux.

Sexe: un ensemble d'attributs biologiques chez l'homme et l'animal. Il est principalement associé à des caractéristiques physiques et physiologiques, notamment les chromosomes, l'expression des gènes, les niveaux et la fonction des hormones, et l'anatomie reproductive/sexuelle.

  • ♂, ♀ - ces symboles sont utilisés pour identifier les recommandations fondées sur des données probantes qui se rapportent aux différences biologiques entre les sexes.

Références

Bazarian JJ, Pope C, McClung J, Cheng YT, Flesher W. Ethnic and racial disparities in emergency department care for mild traumatic brain injury. Acad Emerg Med. 2003(10), 1209–17.

Cooper KD, Tabaddor K, Hauser WA, Shulman K, Feiner C, Factor PR. The Epidemiology of Head Injury in the Bronx. Neuroepidemiology. 1983(2), 79–88.

Flanagin, A., Frey, T., Christiansen, S. L., & AMA Manual of Style Committee. (2021). Updated guidance on the reporting of race and ethnicity in medical and science journals. JAMA, 326(7), 621-627.

Guidance on the use of standards for race-based and Indigenous identity data collection and health reporting in Canada. Ottawa: Canadian Institute for Health Information; 2022. Available: https://www.cihi.ca/sites/default/files/document/guidance-and-standards-for-race-based-and-indigenous-identity-data-en.pdf (accessed 2023 Jan. 16).

Jager TE, Weiss HB, Coben JH, Pepe PE. Traumatic brain injuries evaluated in US emergency departments, 1992-1994. Acad Emerg Med. 2000; 7:134–40.

Mollayeva, T., Mollayeva, S., & Colantonio, A. (2022). The implications of sex and gender in traumatic brain injury. In Cellular, Molecular, Physiological, and Behavioral Aspects of Traumatic Brain Injury (pp. 13-28). Academic Press.

Saadi, A., Bannon, S., Watson, E., & Vranceanu, A. M. (2021). Racial and ethnic disparities associated with traumatic brain injury across the continuum of care: a narrative review and directions for future research. J Racial Ethn Health Disparities, 1-14.

Song, M. M., Simonsen, C. K., Wilson, J. D., & Jenkins, M. R. (2016). Development of a PubMed based search tool for identifying sex and gender specific health literature. J Women's Health, 25(2), 181-18

Tannenbaum, C., Norris, C. M., & McMurtry, M. S. (2019). Sex-specific considerations in guidelines generation and application. Can J Cardiol, 35(5), 598-605.